Entretien avec le Général (suite)

 Cinq jours s’étaient écoulés depuis la première rencontre avec le Général. Azuryth avait reçu trois jours de repos pour l’aider à finir de constituer le dossier du projet « Réconciliation ». Pour ce faire, il devait récupérer des promesses de participations, aussi bien financières que physiques. C’est pourquoi il passa ses trois jours de repos à courir chez les différents nobles de la cité.
 Certains ne prirent pas la peine de le recevoir, connaissant la réputation du garde, d’autres l’écoutèrent mais le congédièrent, d’autres encore semblèrent tentés d’aider mais étaient bloqués par quelque chose, même s’il fut possible d’en convaincre quelques-uns. Heureusement, il existait un noyau de nobles qui s’intéressaient au bien de la cité, dont certains étaient des connaissances d’Azuryth, et ceux-ci se firent un plaisir de participer à ce projet en promettant des dons qui assureraient en partie sa pérennité.

 Le dernier jour fut dédié au peuple, et plus exactement aux moissonneurs et artisans. Le druide découpa sa journée entre patrouille et visites auprès des différentes familles, se servant même de sa patrouille pour discuter avec les habitants. Il remarqua que les tensions avaient diminué en partie et fut surpris de trouver des familles prêtent à participer à son projet avec leurs enfants, malgré quelques peurs compréhensibles. D’autres familles ne voulaient pas mettre en danger leurs enfants mais étaient d’accord pour aider financièrement autant que faire se peut. D’autres encore claquèrent littéralement la porte au nez du lieutenant, mais c’était compréhensible. Au moins, il n’y eut pas de jets de pierre.

 C’est tard le soir du 16ème jour qu’il rentra chez lui, fatigué. Il prit encore deux bonnes heures pour trier les promesses et annoter certaines avant d’aller se coucher. Sa nuit ne se passa pas comme il l’espéra, et pris d’insomnie cauchemardesque, il partit prendre l’air afin d’apaiser son esprit. Azuryth fit d’ailleurs une rencontre fortuite lors de cette promenade, ayant le plaisir de rencontre une dame de nuit répondant au nom de Shadielle. Ils échangèrent de nombreux mots sur leurs croyances respectives, puis se quittèrent sur une remarque cynique.

 Après cette rencontre, le garde avait réfléchi sur sa condition actuelle, sur qui il était, sur la voie qu’il suivait. De simples questions comme pour le commun des mortels, même s’il n’en faisait pas tout à fait partie. Le soleil finissant de se lever, il rejoignit sa maison, se passa un peu d’eau sur le visage pour paraître plus frais, échec critique, puis revêtit des vêtements de bonnes factures, d’un style plutôt bourgeois, situé entre le noble et le citadin de bonne fortune. Ceci fait, il rassembla ses documents, les tria à nouveau, vérifia leur intégrité, puis les glissa dans une sacoche en cuir qu’il prit avec lui, ainsi que son épée. Prenant une pomme au passage, il se mit en route vers son rendez-vous.

 Sur le chemin, il se souvint de ce qu’il avait dit au Général et se maudit intérieurement. Il devait lui apporter les documents la veille, non le jour-même. Il fallait espérer qu’il ne lui en tiendrait pas rigueur. Récupérer les promesses auprès des nobles lui avait pris bien plus de temps que prévu, contrairement aux gens n’ayant pas de sang bleu. Il continua de se maudire ainsi jusqu’à arriver à la Maison de la Garde. Il y salua les gardes en poste, puis rejoignit l’assistant du Général à qui il expliqua pourquoi il était présent. Celui-ci lui laissa l’accès sans faire de commentaires.

 Tout comme lors de leur première rencontre, Azuryth expira pour se recentrer et se calmer, puis frappa à la porte.

Si Gharreth, le secrétaire du Général, laissa passer Azuryth, et même l'invita à se présenter à la porte, c'est parce que le Général en question n'avait rien oublié de l'entretien ayant eu lieu cinq jours auparavant. Pévéril avait en effet averti son secrétaire : sauf urgence, on ne le dérangeait pas tant que le lieutenant Illïyan'Mu n'était pas venu. Ainsi, il s'assurait non seulement d'être disponible lorsque le lieutenant viendrait mais aussi une tranquillité qui lui serait bien utile pour s'occuper de certaines tâches.

Malgré ce qu'il avait avancé, le lieutenant ne s'était pas présenté la veille. Cela n'avait rien d'étonnant. Il avait dû abattre un travail monstrueux pour parvenir à remplir le dossier. En espérant qu'il l'avait bel et bien rempli, comme convenu. C'était là la principale crainte de Pévéril, non pas que le lieutenant n'ait pas fait son travail mais que l'on ne se soit pas montré coopératif. Trouver des promesses de dons et de participation ferait pourtant avancer ce projet à pas de géant, et Pévéril aimait bien cette idée, il avait envie de mettre toutes les chances de leur côté pour qu'elle plaise à l'Autorité.

Lorsqu'on frappa à la porte, Pévéril su donc sans trop de doute, qui était derrière le panneau. Il invita aussitôt l'homme à entrer, posant dans le même temps la plume qu'il tenait à la main. Alors que la porte s'ouvrait sur son visiteur, le général souffla doucement sur le papier devant lui pour faire sécher l'encre et le glissa dans un dossier qu'il referma. Enfin, il regarda le lieutenant. Celui-ci n'avait pas revêtu son uniforme mais des habits civils d'une facture élégante. Un moyen de donner du poids à sa personne, sans doute. Peveril appréciait néanmoins l'absence d'ostentation, qu'il eut été d'ailleurs étonné de trouvé chez une personne telle que lui.

« Bonjour Lieutenant. Vous êtes à l'heure. Alors, dites-moi tout, êtes vous parvenu à vos fins ? »

 Sans hésitation, Azuryth ouvrit la porte et entra dans la pièce en entendant l’invitation du Général. Il referma la porte puis s’avança près du grand bureau, jetant un œil aux alentours afin de déceler tout espion. Il se demanda un instant s’il dérangeait puis cette question disparut, effacée par celle de l’homme qui gérait la Garde. Le lieutenant le salua proprement puis lui répondit.

« Mes hommages, Général. Je vous présente mes excuses pour le retard, convaincre les nobles s’est avéré plus ardu que prévu. Mais j’ai toutefois réussi à rassembler des promesses de dons et de participations, venant aussi bien de ces derniers que du peuple. »

 Ouvrant sa sacoche en cuir, il en sortit le dossier contenant toutes les promesses, qu’il tendit au général.

« Vous y trouverez chaque document, trié par type et somme. Récupérer des promesses de participation auprès des artisans et moissonneurs a été plus simple que ce que je ne craignais. Visiblement, les tensions se sont un peu apaisées, et certains s’avéraient même fort motivés par ce projet. Il faudrait profiter de cette période d’accalmie pour mettre en place ce projet. »

 Azuryth croisa les mains dans son dos puis jeta un nouveau coup d’œil dans ses environs immédiats,
retenant par la même occasion un bâillement.